Décidé à rester au pouvoir pour le pouvoir, « Joseph Kabila » fait désormais feu de tout bois. Après les intimidations par la « démonstration de force » – par la présentation de ses nouveaux « jouets » – lors de la parade militaire organisée le 30 juin dernier, il recourt à la « manipulation ». Objectif : trouver un bouc émissaire de ses échecs en matière notamment sécuritaire. La Monusco devient ainsi un « témoin gênant » d’un régime en plein « délire despotique ». Ce qui vient de se passer à Beni tient lieu de sonnette d’alarme.
«Manœuvre destinée à tromper». Telle est la définition la plus usuelle du mot «manipulation». Point n’est besoin de suivre une session de formation à l’ex-KGB ou dans le FBI pour découvrir les indices conduisant au commanditaire des «manifestations» anti-Monusco qui ont eu lieu en ce mois d’octobre dans le territoire de Beni, au Nord Kivu. Tout indique qu’il s’agit d’une « manœuvre » qui porte la signature des officines à barbouzes du régime vacillant de «Joseph Kabila».
De quoi s’agit-il ?
Au cours de ce mois d’octobre finissant, 79 personnes ont été tuées respectivement à Erengeti et à Ngadi, deux localités situées dans le territoire de Beni. Qui sont les auteurs de ces crimes ? Tous les regards sont tournés opportunément vers la très nébuleuse rébellion ougandaise ADF. Certaines sources locales suspectent des rebelles rwandais des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda). En cause, le modus operandi.A en croire des activistes de la société civile du Nord Kivu, les victimes présentaient des blessures béantes provoquées manifestement par des coups de machettes, de haches et de houes. Des enfants avaient le crâne fracassé comme s’ils avaient été projetés contre le mur. Etrangement, les agresseurs courent toujours. Au moment où ces lignes sont écrites, les autorités judiciaires restent discrètes. Aucune information judiciaire n’est ouverte. La mort est ainsi banalisée.
Qu’il s’agisse des rebelles ougandais ou des agresseurs «rwandais» non autrement identifiés, on se demande bien d’où pourraient sortir ces agresseurs dans la mesure où les autorités congolaises entonnaient le cocorico selon lequel l’armée nationale avait mis les insurgés ougandais «hors d’état de nuire».
Dans son message à la nation à l’occasion de la commémoration du 54ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance, «Joseph Kabila», auto-satisfait, déclarait notamment : «Comme vous le savez, depuis une vingtaine d’années, l’Est de notre pays a été le théâtre d’agressions, de guerres, de mouvements armés et de rebellions. Grâce à la montée en puissance de nos Forces Armées et de Sécurité, nous y avons mis fin. Cette victoire (…) nous la devons au savoir-faire et à la bravoure de nos Forces Armées et de Sécurité.(…) ». «J’annonce solennellement à la Nation congolaise que nos forces armées ont le contrôle absolu de l’ensemble du territoire national», ajoutait-il. Propos irresponsables d’un chef d’Etat déconnecté des réalités de son pays?
Défiance à l’autorité
Dès le lendemain de ces tueries, des observateurs à Beni ont constaté la montée d’une colère à peine sourde à l’encontre d’un pouvoir d’Etat qui a fait la pleine démonstration – à moins qu’il ne s’agisse d’une complicité avec les assaillants – de son impuissance à garantir les conditions minimales de sécurité pour les personnes et les biens.On apprenait ainsi que la population de Beni envisageait de s’organiser en «force d’autodéfense». Un désaveu lancé à la face d’un pouvoir défaillant. Maire de Beni, Nyonyi Masumbuko a tenté sans convaincre de redonner confiance en diffusant en boucle des messages du genre : «Restez calmement dans vos maisons, les autorités maîtrisent la situation». C’était le dimanche 19 octobre.
Au Nord Kivu, des voix s’élèvent pour dire que depuis le décès brutal, le 30 août dernier, du général Lucien Bahuma, qui commandait l’armée au Nord-Kivu, l’opération de l’armée est pratiquement au point mort. Et ce en dépit du fait que depuis le 13 septembre, « Joseph Kabila » a nommé un de ses hommes de confiance pour succéder à un Bahuma qui était constamment sur le terrain. L’homme dont question n’est autre que le très sulfureux général Muhindo Akili Mundosi, alias « Moundos ». Pour le pouvoir kabiliste, l’enjeu consistait à détourner cette colère populaire pour le moins légitime. Une colère aux conséquences imprévisibles.
Un bouc émissaire nommé Monusco
Coup de théâtre! Le mercredi 22 octobre, une manifestation «improvisée» a lieu à Mavivi, une localité située à une quinzaine de kilomètres de Beni. Qui est l’organisateur de cette « demonstration » ? Mystère. L’autorité administrative a-t-il été informée? Silence radio. Que voit-on ? Plusieurs centaines de jeunes gens et des femmes entonner des chants en swahili que l’AFP résumait comme suit : «La population de Beni ne veut plus de vous ici, parce que vous ne faites rien du tout pour sa sécurité ». Ce chant est destiné aux forces onusiennes.Les « protestataires » vont tenter de prendre d’assaut le QG des Casques bleus, situé non loin de l’aéroport. Etrangement, l’armée congolaise est arrivée plusieurs longues minutes après que le portail de la représentation de la Monusco ait été cassée et que les manifestants commençaient à pénétrer dans les installations onusiennes en criant : « Il faut nous laisser chasser ces gens! », «ils ne font rien pour nous ici! ».
A Oicha, on a assisté à une «marche de la colère» contre la Monusco. Ici, les onusiens sont accusés « de n’avoir pas pu empêcher de récents massacres dans la région ». « Nous voulons le départ de la Monusco, criaient en swahili des jeunes et des personnes âgées. Si c’est notre pays, que les autorités nous écoutent ». La police congolaise toujours prompte à disperser les manifestants étaient invisibles. A qui profite le « crime »? Poser la question revient à y répondre.
Témoin gênant
Depuis que «Joseph Kabila» s’est mis en tête de faire réviser la Constitution afin de faire sauter les « verrous » qui l’empêchent de bringuer un troisième mandat – en dépit d’un bilan sécuritaire et socio-économique désastreux -, la Mission onusienne au Congo est en passe de devenir le bouc émissaire des échecs du régime en place. La récente expulsion du chef du bureau des Nations Unies pour les droits de l’Homme, Scott Campbell, rentre dans ce cadre.Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer la Monusco. Il faut être parfaitement malhonnête pour ne pas reconnaître que la Mission onusienne comble les lacunes d’un Etat incapable de servir l’intérêt général. Depuis les tueries survenues à Beni, « Joseph Kabila » garde son mutisme légendaire. Ce sont les responsables onusiens qui exercent le ministère de la parole pour rassurer la population. Le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, est allé « paradé » à Beni.
A force de prendre pour modèles de référence son mentor rwandais Paul Kagame et dans une certaine mesure l’Ougandais Yoweri Museveni, « Joseph Kabila » a lamentablement échoué. Le successeur de Mzee finira par apprendre à ses dépens qu’il n’est ni Kagame ni Museveni. Et que le Congo-Zaïre n’est pas le Rwanda. Encore moins l’Ouganda.
Intervenant à l’Assemblée générale des Nations Unies le 25 septembre dernier, «Joseph Kabila» a prétendu que la situation du Congo-Kinshasa était
«en nette amélioration» et que le pays «est de nouveau un pays debout, où la paix retrouvée se consolide chaque jour davantage».